Témoignage de deuil, par Sixtine
Sixtine a accepté de répondre à nos questions et de nous partager son témoignage de deuil, et nous l’en remercions grandement! Son histoire est émouvante. Partage-nous la tienne en nous écrivant en MP sur notre compte Instagram @ressort.eu.
Place au témoignage de deuil de Sixtine!
1. Quel deuil vis-tu aujourd’hui et comment te sens-tu en ce début d’été 2025?
Je vis un deuil cumulatif marqué par une synchronicité particulière.
Lorsque mon mari a été foudroyé par un malaise, j’ai appelé les secours. Il était minuit pile. L’écran affichait 00h00. Une heure symbolique. J’ai compris à cet instant que ma vie allait être réduite au néant.
L’infirmière venue annoncer son décès portait, étrangement, le même nom de famille que lui, un patronyme polonais rare, presque imprononçable, pourtant je réside à Londres.
Mon époux s’est éteint le 9 janvier. Ce même jour, mon papa entamait sa chimiothérapie.
Il s’est éteint à son tour… 4 mois plus tard, le jour de mon anniversaire. Un effondrement à répétition.
Tous deux sont morts un jeudi.

2. Quelles sont les choses ou les souvenirs qui t’apportent le plus de réconfort en pensant à ton proche parti trop tôt?
Non, nul soulagement ne m’atteint. Son absence demeure une plaie vive, béante, qui palpite à chaque seconde de mon existence.
Depuis plus de trente ans, il était l’axe même de ma vie. Aujourd’hui, je survis sur une terre désaimantée, vidée de son nord. Comment renaître d’un tel effondrement ?
Mon époux s’est éteint en l’espace d’une heure, foudroyé par une embolie pulmonaire. Il était là, ancré dans notre quotidien, puis, soudain, il ne fut plus.
Avec ma fille, nous avons entendu la stridence implacable du flatline : ce signal linéaire, qui ne laisse aucune place au doute. Ce son métallique, long et fixe, qui scelle la fin. Rien ne saurait égaler la brutalité de cette fréquence unique, qui d’un seul trait, efface un monde.
3. Y a-t-il des personnes, des activités ou des pratiques qui t’ont particulièrement aidé à traverser cette période ?
À l’aube, je cours. Inlassablement.
Je m’aventure également dans les bois de Richmond, où je m’adonne au shinrin-yoku. C’est mon bain de forêt. J’aime m’enlacer à un tronc, offrir ma peine à l’écorce, prêter l’oreille au bruissement de cette cathédrale de branches.
Curieusement, les biches m’accompagnent souvent, elles surgissent entre les feuillages. Je les appelle mes muses. Leur grâce tranquille m’invite à suspendre un temps mon tumulte intérieur.
Dans cet écrin végétal, ma peine se décante un peu. J’ai l’impression que la forêt entend ce que les vivants n’osent plus nommer.

Et puis, j’ai écrit un livre, nuit après nuit, portée par l’urgence de transmuter la douleur en langage.
Pour les personnes, deux êtres d’exception m’abritent sous leurs ailes tutélaires et soutiennent ma sécurité financière.
Autour de moi, quelques amies demeurent, fidèles, mais la plupart, les amies d’enfance ou figures familières, se sont effacées. Une invisibilisation subtile s’est imposée. Le veuvage précoce, hors de la norme, déstabilise. Il bouscule les repères. J’ai l’impression que mon entourage préfère fuir la douleur plutôt que d’y répondre avec humanité. Je pense que mon chagrin rappelle à chacun sa propre vulnérabilité.
4. Y a-t-il des moments particuliers où tu sens encore la présence ou l’influence de la personne dans ta vie quotidienne ?
Je reçois de nombreux signes. Ils me surprennent, et ils sont devenus une forme de soutien structurant pour continuer à avancer.
Car la douleur est immense, bien au-delà de ce que je croyais humainement possible. Elle m’a brisée, mais ces signes me recousent par endroits.
Un matin, perdue dans une mer de papiers administratifs, cherchant en vain l’assurance de sa voiture, un rayon de lumière a jailli à travers la fenêtre et a fait naître un arc-en-ciel… exactement sur la feuille recherchée.

Une autre fois, c’est un renard, surgissant de nulle part, qui a déposé ses empreintes humides sur le capot de sa voiture, comme s’il venait y laisser un sceau.
Je pourrais écrire un livre entier sur ces signes, tant ils sont nombreux, parfois si clairs qu’ils défient toute raison.
5. Comment la perte que tu as vécue a-t-elle influencé ta vision de la vie ou de tes relations ?
J’ai vraiment l’impression d’évoluer dans une chorégraphie funeste et implacable. Parfois je me dis que ce n’est pas possible, elle appartient à un autre ordre que celui du réel…
Ma foi s’est brisée. Pour toujours. Moi qui suis née au cœur d’une foi profonde, façonnée par une tradition catholique enracinée dans plusieurs générations, j’ai vu ma croyance s’effondrer d’un seul bloc, dans une rupture irréversible. Nous nous étions unis devant Dieu, après une année entière de préparation spirituelle, persuadés de l’éternité promise par le Sacrement.
Merci beaucoup Sixtine pour ce témoignage
Le témoignage de deuil de Sixtine t’a ému?
Si toi aussi tu veux partager avec nous ton histoire et ton vécu de deuil, nous t’invitons à nous envoyer un email à: contact.ressort@gmail.com
Et si tu as envie de partager avec d’autres personnes qui ont vécu un deuil similaire au tien, l’inscription à RESSORT! est gratuite, et nous sommes déjà plus de 500 membres, donc inscris-toi en suivant le lien suivant: ressort.eu!
Bonjour Sixtine, ton témoignage est tellement poignant… J’ai l’impression de m’entendre raconter le gouffre du décès de mon mari, que j’aimais tant.
Je me sens en communion de coeur avec toi. D’autant que moi aussi, j’ai eu droit à des signes. Moi aussi, j’ai senti sa présence à travers l’apparition insolite d’animaux ou d’insectes, et d’autres. Moi aussi, la présence des arbres m’apaise beaucoup. Tout ce que je peux te partager, c’est que si ta souffrance ne s’atténue pas, ou pas assez vite, je t’encourage à consulter un thérapeute, avec qui le lien se fera bien (changé sinon, jusqu’à trouver le bon). Ça fait un bien fou. Et pour Dieu…il a promis de venir votre couple, d’envoyer son Esprit pour vous aider sur le chemin. Mais la mort ne vient pas de lui . Tu trouves dans l’Evangile : « et le dernier ennemi qu’il détruira, c’est la mort ». Dieu pleure avec nous. Il t’aime…et veut te consoler, si tu te tournes vers lui.